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L’ACQUITTEMENT D’ESTERHAZY


avec toute la franchise possible ». Il leur parut aussi que les traces d’influence germanique abondaient dans l’écriture française d’Esterhazy, qu’au contraire quand il écrivait en allemand, l’influence française dominait dans son graphisme ; dès lors, que « son écriture était un mélange des écritures allemande et française[1] ».

Toutefois, ils repoussaient encore l’hypothèse du décalquage qu’Esterhazy, Ravary, l’État-Major eussent voulu leur voir adopter, parce qu’elle était déjà admise par le public.

Comme les experts, au cours de cette séance, ne lui avaient pas parlé des lettres à Mme de Boulancy, Esterhazy s’en plaignit à Du Paty. Précédemment, il avait prié Ravary de faire expertiser par Bertillon la lettre « du Uhlan », « qui était fausse », et les autres, qu’il avait reconnues pour authentiques devant Pellieux, mais dont il affirmait maintenant « qu’elles avaient été maquillées et truquées[2] ».

Du Paty essaya de le faire patienter :

L’expert-chimiste, lui dit-il, sera vu. Les autres marchent très bien. Je tâcherai de faire ce que vous demandez. En tous cas, cela ne viendrait qu’après le conseil de guerre[3].

Cette dernière phrase mit Esterhazy en éveil. Il devina le plan de l’État-Major : le faire acquitter sur le bordereau, le perdre avec les lettres à Mme de Boulancy, —

  1. Rennes, II, 570. 571. Belhomme. — En fait, il modifia plusieurs des signes caractéristiques de son écriture, boucla ses f, redressa les M majuscules. (Note de Mornard.)
  2. Dép. à Londres, 5 mars 1900.
  3. Lettre du 8 décembre 1897, (Pièce n° 17.)