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L’ACQUITTEMENT D’ESTERHAZY


clure comme vous l’espériez ?[1] Dois-je demander, comme Tézenas le voulait, comme c’est mon droit[2], une expertise avec l’écriture de Dreyfus et reparler du décalque ? Belhomme est un idiot ; il n’y a qu’à le regarder[3]. Dois-je exiger la contre-expertise Bertillon ? Tous ces gens-là vont m’assassiner[4]. Ne peut-on, cependant, démontrer à Ravary et aux experts que je n’ai pu écrire les termes de la grande lettre Boulancy ?[5] Si les experts concluent que le bordereau est de moi, il m’est impossible, pour ma défense, de ne pas m’efforcer de démontrer que c’est Dreyfus qui est l’auteur du bordereau. Comprenez donc bien que si vous êtes véritablement les maîtres de l’instruction et des experts, je ne puis que m’en rapporter absolument à vous ; mais que, si cela vous échappe, comme je le crains, je suis dans l’obligation absolue de démontrer que le bordereau est calqué par Dreyfus sur mon écriture[6].

Cette menace de réclamer la comparaison entre l’écriture de Dreyfus et la sienne était ingénieuse. Il avait été le témoin de la colère de Ravary et d’Hervieu, quand Tézenas, innocemment, en avait fait la proposition, et Belhomme avait dit alors qu’il renoncerait plutôt à faire l’expertise. En effet, les experts consentaient bien à décharger Esterhazy du bordereau, mais ils avaient scrupule de l’attribuer formellement à Dreyfus. Et l’État-Major ne pensait pas qu’il en pût demander autant à la science ou à la conscience de ces hommes.

Esterhazy, d’ailleurs, ne s’en tint pas là. Ayant repris

  1. Variante, sur l’autre brouillon : « Comme vous le pensiez. »
  2. Ces cinq mots sont supprimés sur l’autre brouillon.
  3. Variante : « Ce Belhomme est complètement gâteux. »
  4. Variante : « M’assassinent ».
  5. L’autre brouillon s’arrête là.
  6. Cass., Instr. Bertulus ; Cass., II, 234, Instr. Bertulus, notes saisies chez Esterhazy, scellé no 1, communiquées, le 27 septembre 1898 par le garde des Sceaux au procureur général.