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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


n’avoir pas hésité à se démunir du document libérateur, « s’en remettant à ses chefs du soin de défendre son honneur menacé ». « Les conclusions, si catégoriques, des experts infirment péremptoirement l’accusation portée par Mathieu Dreyfus ». Esterhazy déclare « qu’il n’a jamais vu le bordereau avant qu’il lui fût présenté » par Pellieux. « Alors que l’identité des écritures serait encore plus grande, cela ne prouverait encore rien », car Esterhazy, à Rouen, n’a pu se procurer de renseignements ni sur les troupes de couverture, ni sur Madagascar, etc. Assurément, « la vie privée d’Esterhazy ne saurait être proposée comme modèle aux jeunes officiers ; toutefois, de ses écarts, même les plus répréhensibles », on ne saurait déduire qu’il est un traître. « L’impartialité » fait un devoir à Ravary de constater que les notes militaires de l’inculpé sont excellentes.

Puis, en regard de ce panégyrique, un acte d’accusation en règle contre Picquart. « Non seulement les dépositions des témoins présentent de nombreuses contradictions avec les dires de Picquart, mais elles révèlent, en plus, des faits extrêmement graves commis par cet officier dans le service. » Suit un vigoureux résumé des dépositions d’Henry, de Lauth et de Gribelin contre leur ancien chef. Notamment, Picquart « a profité de l’absence d’Henry pour se faire ouvrir l’armoire de cet officier et s’emparer d’un dossier contenant des pièces secrètes » ; plus tard, Henry l’a vu « compulser, avec Leblois, ce dossier d’où sortait la photographie de la pièce Canaille de D… ». « Si l’on considère que c’est une pièce identique qui a été renvoyée au ministère de la Guerre par Esterhazy, on est amené fatalement à se demander si la corrélation qui existe entre les deux faits n’est point le résultat de cette indiscrétion. »