Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/23

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
17
LE SYNDICAT


tous les mensonges, ils contribuent à les répandre. À peine quelques timides réserves sur la prétention des meneurs d’en finir tout de suite, sans autre examen, de fermer la bouche aux défenseurs du traître. Cassagnac, un matin sur deux, réclame la revision d’un verdict illégal[1] ; le lendemain, il insulte Scheurer et les juifs[2]. Clemenceau distille, à petites doses, son ironie[3]. Les plus braves, comme Ranc, gardent le camp et se le reprochent. Les socialistes (se réservent, évidemment troublés, mais sans sympathie[4].

Presque seuls, les rédacteurs du Figaro tinrent le coup, sans engager encore de controverse, et refusèrent les communications de l’État-Major. Ils prirent Esterhazy en flagrant délit d’imposture. Il a affirmé (c’est son grand argument) qu’il n’est pas allé aux manœuvres : or, il y est allé, un document officiel en témoigne ; il a donné l’adresse de la maison où il aurait demeuré à Londres et mis en sûreté le document libérateur : c’est une boutique, une vulgaire agence postale ; pourquoi ces mensonges ? Arène raconta comment s’était formée la conviction de Scheurer, énuméra les charges que le sénateur avait déjà réunies. Huret, à Rouen, interrogea les officiers du régiment d’Esterhazy ; l’événement n’a surpris aucun d’eux ; l’étrange camarade était mésestimé, tenu à l’écart ; on le savait besoigneux, indélicat ; on connaissait et blâmait sa collaboration anonyme à la Libre Parole ; on se remémorait des coïncidences ; il

  1. Autorité du 18 novembre 1897.
  2. Autorité des 17, 20, 24, etc.
  3. « Le général Billot a promis de faire son devoir : nous n’avons pas le droit de douter de sa parole. » (Aurore du 17.) « L’affaire semble plutôt compliquée… Il est fâcheux pour M. Esterhazy qu’il soit en aussi bons termes avec M. de Schwarzkoppen. » (19.)
  4. Lanterne du 19, Petite République du 20.
2