Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/250

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
244
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


j’aurais tenu ce propos. Ils eurent la loyauté de joindre leur démenti au mien[1]. Ce mot n’était pas de mon vocabulaire, mais il resta.

VI

Moins d’une semaine après la lettre de Zola, Clemenceau constatait : « Le Syndicat grandit[2]. »

Il grandissait, en effet, et par la seule vertu du plus puissant ferment qui soit au monde : l’action.

En quelques jours, des centaines d’adhésions arrivèrent à Zola, à la pétition pour la Revision[3] que lui-même il avait signée, le second, avec Duclaux[4]. Et ces adhésions étaient publiques. Soi-même, on donnait son nom, on se proclamait « ami du traître » et « vendu aux juifs ».

Les cercles catholiques avaient organisé des manifestations que la police, d’abord, laissa faire. Chaque soir, des bandes de jeunes gens, étudiants ou se disant tels, manifestaient dans les rues et « conspuaient » le Syndicat.

Et, chaque matin, les journaux publiaient de nouvelles listes de protestation ; maintenant que la foule

  1. Agence nationale du 21 janvier 1898.
  2. Aurore du 18.
  3. Elle était ainsi conçue : « Les soussignés, protestant contre la violation des formes juridiques au procès de 1894, contre les iniquités qui ont entouré l’affaire Esterhazy, persistent à demander la Revision. » Les signatures furent recueillies par un groupe de jeunes écrivains, Gregh, Elie et Daniel Halévy, André Rivoire, Jacques Bizet, Marcel Proust, etc.
  4. Il y en eut une autre sous forme de pétition à la Chambre demandant : « le maintien des garanties légales des citoyens contre tout arbitraire… »