Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/294

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
288
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


de mémoire, une note sur son dernier entretien avec Dreyfus, au Cherche-Midi. Son rapport, lui dit Henry, avait disparu des archives, sans qu’on sût comment[1].

Complaisamment, Du Paty écrivit la note, âpre et inexacte, qui fut datée audacieusement de septembre[2].

Si des esprits critiques s’étonnent qu’on ait attendu, pour convenir de la visite de Du Paty au Cherche-Midi, que Mme Dreyfus en ait parlé, on leur répondra par cette note de Du Paty, antérieure par sa date à la déclaration de Lebrun-Renaud en octobre. Encore mal instruits de l’affaire, ils ne suspecteront pas la supercherie. Pour Lebrun-Renaud, on le tient par son premier mensonge.

Ces précautions prises, Gonse fabriqua une lettre qu’il était censé avoir adressée, le 6 janvier 1895, à Boisdeffre, absent, ce jour-là, de Paris.

Il y rapportait qu’il avait mené lui-même Lebrun-Renaud à Mercier, que Mercier avait envoyé l’officier à Casimir Perier, pour lui relater les aveux de Dreyfus, et que ces aveux, « demi-aveux ou commencements d’aveux, mélanges de réticences et de mensonges », se résumaient ainsi : « On n’a pas livré de documents originaux, mais simplement des copies… Le ministre sait que

  1. Rennes, III, 513, Du Paty ; Cass., III, 180, Ballot-Baupré.
  2. Pièce n° 252 du dossier secret. — Voir t. I, 621. — Du Paty dit que cette note lui fut demandée « dans un but dont il ne se souvient plus ». (Rennes, III, 513.) Si Du Paty avait été prié, en septembre 1897, d’écrire cette note, il s’en fût étonné ; Gonse, en effet, ne lui parla qu’en octobre (le 16) d’Esterhazy et de la campagne projetée de Scheurer ; en janvier 1898, au bruit des furieuses polémiques, la chose, au contraire, s’expliquait d’elle-même. De plus, si Gonse et Henry avaient sous les yeux cette note du 14 septembre quand, le 20 octobre, ils firent venir Lebrun-Renaud, ils lui auraient dicté une déclaration qui eût cadré avec ce récit. Lebrun-Renaud, au lieu de se taire sur la visite de Du Paty à Dreyfus, y eût fait allusion, comme il le fit plus tard.