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LA DÉCLARATION DE BULOW


je suis innocent. Il me l’a fait dire par le commandant Du Paty de Clam, dans la prison, il y a trois ou quatre jours[1]. Il sait que si j’ai livré des documents, ce sont des documents sans importance et que c’était pour en obtenir de plus sérieux des Allemands[2]. »

Gonse porta cette lettre à Billot, comme s’il venait de la retrouver, en donna connaissance ensuite à Cavaignac. Boisdeffre, après l’avoir reçue en son temps, la lui aurait rendue, « pour qu’il la gardât comme un souvenir et comme un témoignage des aveux[3] ». Ou bien, il en aurait conservé lui-même une copie[4]. — Boisdeffre et Gonse avaient négligé de se concerter sur ce point. — Cependant, la place de cette lettre, si elle n’avait pas été forgée après coup, aurait été au dossier de Dreyfus, Or, elle n’y avait pas été jointe. Gonse montra encore à Cavaignac la déclaration de Lebrun-Renaud.

Billot ni Cavaignac n’eurent la curiosité de demander pourquoi, munis d’un tel moyen de réduire Picquart au

  1. Le 20 octobre 1897, Lebrun-Renaud avait relaté ainsi le prétendu aveu de Dreyfus : « Je suis innocent : dans trois ans, mon innocence sera prouvée. Le ministre sait que si j’ai livré des documents sans importance, c’était pour en obtenir de sérieux des Allemands. » (t. II, 576.)
  2. Cass., II, 131. On a vu (t. I, 547, 629) qu’à la date du janvier 1895, ce n’étaient point les aveux de Dreyfus qui préoccupaient l’État-Major. C’était la lettre du chancelier allemand à Casimir-Perier. Mercier, par la suite, a bâti tout un roman patriotique sur cet incident. Comment Gonse, dans une lettre de ce jour, aurait-il négligé d’en dire un mot, un seul, à Boisdeffre ? À Picquart qu’il vit ce jour-là, pendant plusieurs heures, il ne parla pas d’autre chose, d’une agitation extrême. (Rennes, I, 383. Picquart) Il est difficile de voir une allusion à la crise diplomatique dans les derniers mots, calmes, indifférents de la lettre : « Je ne sais rien depuis ce matin. « D’ailleurs, Gonse lui-même ne l’a pas prétendu. Il ne dit pas un mot de Lebrun-Renaud à Picquart.
  3. Cass., I, 261 et Rennes, I, 520, Boisdeffre,
  4. Rennes, I, 351, Gonse.
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