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LA DÉCLARATION DE BULOW


c’était encore une sottise. Cependant Ployer resta, avec Tézenas[1], le conseil de l’État-Major.

Il fut décidé enfin[2] que Billot en personne porterait plainte, mais que la plainte viserait seulement les imputations de Zola contre le conseil de guerre. On avait découvert un article de loi qui ne permet d’offrir la preuve que des faits « articulés et qualifiés dans la citation[3] ». Ainsi, le procès sera restreint à la seule allégation, qui n’était pas démontrable en fait, que le conseil de guerre avait acquitté Esterhazy « par ordre » et « commis, à son tour, le crime juridique d’acquitter sciemment un coupable ».

Cent fois, sans que la justice s’émeuve, les tribunaux militaires ont été accusés de juger par ordre. Le jour même où a paru la lettre de Zola, Cassagnac a écrit que le ministre de la Guerre avait enjoint aux juges de « lessiver » Esterhazy et que cette lessive était insuffisante[4]. L’accusation avait été familière aux « patriotes » d’aujourd’hui, Rochefort[5], Humbert[6]. De-

  1. Esterhazy, Dép. à Londres. 5 mai 1900 : « C’est mon avocat qui était conseil de L’État-Major, qui reçut de lui des honoraires, car il n’a rien reçu de moi. » Ployer démentit que Billot dût se porter partie civile par son organe. Note analogue, le même jour, du ministère de la Guerre. On avait, en effet, à cette date, renoncé à ce projet qui avait été précédemment annoncé par divers journaux Gaulois, Petit Journal, etc.).
  2. Conseil des Ministres du 18 janvier 1898.
  3. Article 52 de la loi du 29 juillet 1881.
  4. Autorité du 13 janvier 1898.
  5. « L’arrêt, naturellement, avait été rédigé d’avance. » (Aventures de ma vie, III, 141.) « Au conseil de guerre, les officiers transformés en juges condamnent ou acquittent, par ordre supérieur, sans tenir aucun compte de l’acte commis. Procédure monstrueuse. « (Intransigeant du 18 août 1897.) Etc.
  6. « La justice militaire ne mérite à aucun degré le titre de justice. (Éclair du 26 septembre 1897.) Dans le Père Duchêne, les officiers sont constamment traités d’assassins, de gredins, de bandits, (12 avril 1871, etc.).