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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

II

Depuis la lettre de Zola, la peur, de nouveau, tenait

Billot et Boisdeffre. Ils avaient voulu le procès, pour ne pas paraître s’incliner devant la formidable accusation. L’étendue de leur faute se pouvait mesurer rien qu’à la joie, à l’insolente confiance des défenseurs de Dreyfus.

Ces chefs de l’armée, outre l’armée, avaient pour eux les pouvoirs publics, l’Église, la presse populaire, l’immense majorité de la nation. C’étaient eux qui hésitaient, reculaient.

On pensa d’abord à envoyer Zola en police correctionnelle, soit pour dénonciation calomnieuse, soit pour outrage au Président de la République. À la réflexion, cela parut trop honteux. Juridiquement, c’était impossible[1].

On imagina ensuite de traîner les choses en longueur par une instruction. Mais il n’y a pas d’instruction en matière de diffamation et d’outrage. Et l’enquête n’aurait servi que les desseins de Zola ; il y eût appelé cent témoins.

Boisdeffre demanda que le ministre de la Guerre, en tous cas, se portât partie civile, au procès, s’engageât avec les camarades. Billot consentit, s’adressa au bâtonnier de l’ordre des avocats. Ployer, qui accepta, sans regarder aux textes, séduit par l’éclat d’un tel rôle. Puis, après examen, il fut reconnu que

  1. Conseil des ministres du 15 janvier 1898, à l’Élysée. Dans l’après-midi, les ministres tinrent une courte réunion entre eux. Le procureur général (Bertrand) et le procureur de la République (Atthalin) conférèrent au Palais.