Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/317

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
311
LA DÉCLARATION DE BULOW

V

Cette Chambre était tombée en un tel discrédit que ce tumulte de mauvais lieu ne causa pas beaucoup plus de scandale que les récentes batteries entre anarchistes et antisémites au Vaux-Hall.

Elle eut honte d’elle-même. Le surlendemain[1], quand la discussion reprit, ce fut dans le plus grand calme.

Jaurès démentit, d’abord, qu’il eût traité, l’avant-veille, ses agresseurs de « bouchers ». Des journaux lui ont prêté ce propos. Les groupes de la boucherie s’en sont émus (tels, les corroyeurs d’Athènes). Il tenait à rassurer la corporation.

Son discours, d’une simple ordonnance, fut écouté « dans un silence passif[2] ». Il montra que toute la politique du Gouvernement tenait en trois petits mots, selon une heureuse formule de Lacroix[3] : Contre la preuve. Un dialogue s’engagea entre Méline et lui, mais où le ministre, aux questions précises de l’interpellateur, répondit seulement par le refus de répondre. « Pourquoi poursuivez-vous seulement les attaques contre les conseils de guerre ? Pourquoi laissez-vous l’honneur de l’armée à peine couvert par ce pauvre haillon de justice incomplète ? Les généraux sont-ils seuls juges de leurs actes ? — Ils relèvent du Gouvernement et de la loi. — Oui ou non, les juges du premier conseil de guerre ont-

  1. 24 janvier 1898. — La veille, un dimanche, le Gouvernement avait redouté des manifestations ; les casernes furent consignées, beaucoup de troupes déployées dans la rue. Rien ne vint.
  2. Procès Zola, I, 395, Jaurès : « Dans l’ensemble de la Chambre, silence passif. »
  3. Radical, du 24.