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LA DÉCLARATION DE BULOW

Ce qui rend la France incomparable entre toutes les nations, c’est qu’elle a dégagé la personne humaine de toute considération de naissance, de situation, de croyance. Continuons à représenter le droit de l’humanité. Le jour où la France ne sera plus cela, les peuples ne la reconnaîtront plus[1].

On s’étonne d’une hystérique qui, atteinte de cécité, voit un vide à la place occupée par un individu ou par un objet déterminés. Il faut s’étonner bien plus de ces grands personnages qui ne virent pas le crime, le complot contre la vérité, que les Russes eux-mêmes, (non pas seulement les Anglais, les Scandinaves, les Allemands), dénonçaient durement[2].

La République française, alliée à la Russie, s’autocratisait[3], devenait plus russe que la Russie.

Cécité mentale ou cécité morale ? C’est de la première que s’accusèrent, plus tard, les pires aveugles, mais leur confession est-elle complète ?

En vain, Ranc, Lacroix, objurguaient les radicaux ;

  1. Discours prononcé le 31 janvier 1898, au Grand-Orient.
  2. Novosti du 7/19 janvier : « Tous ces embarras auraient pu être évités si le Gouvernement avait laissé aux tribunaux les complètes garanties d’une solution impartiale… Pour que la France revienne à une solution normale, il serait nécessaire d’en finir avec ce système d’illégalité qui n’a que trop duré, de lever tous ces mystères et de ne plus laisser l’ombre d’un doute sur l’impartialité de la justice. Par malheur, il est impossible d’atteindre ce résultat sans inquiéter quelques personnes qui s’abritent à l’ombre de l’honneur de l’armée. » — La grande majorité des journaux russes tient pour la Revision : la Gazette russe, la Gazette de Saint-Pétersbourg, du prince Outchtonzky, ami d’enfance du Tsar, très bien en cour ; le Fils de la Patrie, journal populiste : le Messager de l’Europe, la Revue Orientale, la Sibérie, même l’antisémite Novoié-Wremia (Nouveau Temps). Trois grands journaux seulement sont hostiles : le Sviet, la Gazette de Moscou et le Gradjanine antifrançais, du prince Mechtchersky.
  3. Clemenceau, l’Aurore du 29 janvier 1896.