Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/348

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
342
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Elles étaient composées de portefaix et de bouchers, de rôdeurs et de malandrins de toute espèce, pareilles à celles qui, jadis, à la veille de la Reforme, terrorisèrent le pays rhénan et furent surnommées les Juden-Schlæger, les rosseurs de Juifs. L’État-Major les subventionnait[1].

Le matin, quelques jeunes gens avaient déposé une couronne au pied de la statue de Voltaire : « Au défenseur de Calas. » La veille, la Cour de cassation avait fait afficher l’arrêt de réhabilitation de Pierre Vaux.

II

On procéda au tirage au sort des jurés. Ce furent tous de petites gens, de ce qu’on appelait à Florence le populo minuto : deux négociants, un rentier, un marchand de nouveautés, un marchand de vins, un entrepreneur de couverture, un monteur en cuivre, un employé, un tréfileur, un mégissier, un grainetier, un maraîcher. Et, tout de suite, l’avocat général demanda que le débat fût limité, par arrêt, au seul grief relevé par Billot, l’offense aux juges d’Esterhazy, quelques lignes sur quinze pages. Le ministre a méprisé les autres imputations de Zola. « On n’a pas le droit de mettre indirectement en question la chose jugée. On veut provoquer une revision révolutionnaire. » La Cour ne s’y prêtera pas[2].

  1. Bertulus saisit, plus tard, chez Esterhazy une carte-télégramme de Guérin qui demandait de l’argent à Pauffin (de Saint Morel). Celui-ci la communiqua à Esterhazy (cote 9 scellé 6 ; cote 10, scellé 16 ; Cass., II, 236.)
  2. Procès Zola, compte rendu sténographique, I, 37 à 41. Van Cassel. — Pour la physionomie des quinze audiences, voir Albert Bataille, Le Procès Zola, ou tome XVII des Causes cri-