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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


dans l’armoire d’Henry, antérieures et postérieures au jugement ; et déjà une furieuse envie le tenait de sortir l’une de ces pièces, la plus décisive, et d’en finir avec les chicanes « à côté » de l’État-Major.

Pendant que Pellieux célébrait les vertus des juges d’Esterhazy et se faisait gloire d’avoir été « leur chef », Zola s’était fort excité ; il s’écria « qu’il y a différentes façons de servir la France. On peut la servir par l’épée et par la plume. M. le général de Pellieux a, sans doute, gagné de grandes victoires : j’ai gagné les miennes. Par mes œuvres, la langue française a été portée dans le monde entier. J’ai mes victoires ! Je lègue à la postérité le nom du général de Pellieux et celui d’Émile Zola : elle choisira ! »

Cette éclatante protestation de l’intelligence contre le Sabre parut, aux uns, le cri d’un légitime orgueil, aux autres, l’explosion d’une ridicule vanité.

Les avocats assaillirent vivement Pellieux, le pressèrent de questions. Il tint tête, sans broncher, attaqua. Ses parades ne furent pas toujours heureuses, mais ses ripostes furent rapides et brillantes. Les camarades, tout le temps, se dérobaient derrière le secret professionnel, le huis clos, mille bas prétextes. Au contraire, il parut joyeux de cette escrime, de ces combats, nouveaux pour lui, fatigua les rudes jouteurs qui le harcelaient. Le succès fut pour lui. Sa parole métallique, qui sonnait comme l’épée, le ton, à la fois courtois et d’une belle insolence, de ses répliques, sa prestance, une élégance apprêtée, mais qui n’en avait pas l’air, quelque chose de décidé et d’audacieux qui émanait de lui, les impatiences et les colères dont il ne réprimait qu’à demi le bouillonnement, fixèrent l’attention des Césariens qui, depuis le cimetière d’Ixelles, n’avaient pas trouvé de successeur à Boulanger, et des royalistes qui, depuis