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LE PROCÈS ZOLA


tant d’années, cherchaient Mouk ou Pavia[1]. Il n’avait été, jusqu’alors, qu’un nom, pas beaucoup plus illustre que Gonse ; il devint une espérance. C’est lui qui donnera le « coup de balai ». Tous les fauteurs de coups d’État regardèrent vers lui. Il était aussi bon catholique que beau soldat, l’homme nouveau qui fait aboutir les grandes entreprises. À cette vaste agitation militaire et religieuse qui s’étendait chaque jour, d’autant plus redoutable que les dupes y étaient plus nombreuses que les conspirateurs, il manquait un chef. Il avait des lettres, il entendit sonner le Tu Marcellus… parmi les bravos.

XII

Enfin Picquart fut introduit.

Il était, depuis quatre mois, l’une des énigmes du drame. Du premier jour où son nom fut brusquement lancé dans la plus effrénée des publicités, il fut illustre, mais il resta inconnu.

Hors du monde militaire où il avait vécu assez étroitement, et, d’ailleurs, sans se livrer, qui le connaissait ? À peine quelques amis, son cousin Gast, le fils de Gounod, Leblois, le docteur Hervé. Avant même qu’il fût revenu d’Afrique, il fut transfiguré aussi bien par la haine que par l’enthousiasme. Les passions aux prises s’emparèrent de cet homme qui, toujours, avait fui le bruit. Elles firent deux Picquart : un héros de roman, un traître.

  1. Saint-Genest, enragé maintenant contre Dreyfus, « le dernier des misérables », publiait des articles lyriques en l’honneur des généraux, célébrait « le triomphe de l’armée ». (Figaro du 21 février 1898.)