Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/379

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
373
LE PROCÈS ZOLA


les journaux[1] ne parut pas encore suffisant. Deux officiers furent chargés de tâter Picquart. Le colonel Bailloud vint le voir au Mont-Valérien, mais, reçu en ami, eut honte de sa mission et s’en tut. Le commandant Bessières, un peu plus tard[2], lui insinua que sa rentrée en grâce dépendait de lui seul. Il répondit qu’il respecterait son serment de dire la vérité.

Il avait été convenu que Picquart ferait seul, sans surveillance, le trajet quotidien du Mont-Valérien au Palais de Justice et du Palais à sa prison. On lui insinua de ne pas revêtir son uniforme, trop éclatant, qui provoquerait des manifestations. (Les journaux auraient raconté qu’il ne le portait plus, se faisant justice à lui-même.) Il s’y refusa ou demanda un ordre[3].

Gonse pensa à agir sur Picquart par le juge Bertulus, qui jouissait encore de l’entière confiance de l’État-Major, mais qui, déjà, ne la méritait plus. Il avait vu Picquart, pour la première fois, au cours de l’enquête sur la plainte en corruption contre les frères Dreyfus. Il reçut ensuite sa déposition, dans l’affaire des faux télégrammes[4]. Prévenu contre lui par Henry, qui l’avait décrit, au temps où Picquart dirigeait le service des renseignements, comme un méticuleux et pédant personnage, Bertulus l’écouta d’abord avec défiance, puis fut saisi par la netteté, la précision de ses dires, corroborés souvent par les faits.

Il causait parfois avec Gonse, au ministère, des affaires en cours. Même, un jour, quelque temps avant le procès, le général lui montra la photographie d’une

  1. Millevoye expliqua que Picquart pourrait n’être suspendu de son grade que pour un an. (Patrie du 5 février 1898.)
  2. À la première audience du procès Zola.
  3. Cass., I, 209. Picquart.
  4. Cass., I, 220, Bertulus ; II, 207, Picquart.