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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


haut, à l’État-Major, que la carte venait de la poste ». Il a voulu également lui faire certifier que la carte, d’une écriture inconnue, était d’une écriture connue (celle de Schwarzkoppen). De plus, « Henry n’est pas sûr actuellement d’avoir tout enlevé des cornets, notamment le petit bleu, pièce ressortant (sic) de son service ». Ces cornets, enfin, Picquart les a gardés plusieurs jours. Dès lors, Lauth est persuadé que « Picquart a mis, lui-même, le petit bleu dans le paquet ». Il ne l’en accuse pas, « parce qu’il n’a pas de preuves ». Il n’en a pas parlé à ses chefs « parce qu’il n’est pas un dénonciateur ». Mais « il le croit depuis plus d’un an, depuis l’automne de 1896[1] ».

Picquart démentit Lauth, lui posa, ainsi qu’à Gribelin, cette question : « Avez-vous vu une seule lettre sur laquelle j’aie fait apposer un cachet[2] ? » Ils se turent. Albert Clemenceau, par des raisonnements mathématiques ou de simple bon sens, démolit (ce jour-là et le suivant) le reste de l’accusation. Inutilité, s’il s’agit de tromper les chefs, de faire disparaître les traces de déchirures du petit bleu sur les photographies, puisque les chefs réclameront l’original. Impossibilité d’apposer un timbre sur le petit bleu, déchiré en cinquante petits morceaux sans que la fraude apparaisse. Le cachet fût appliqué, forcément, sur les bandes gommées[3]. La carte, si elle vient de l’ambassade, peut être déchirée, mais ne peut pas être timbrée. Si elle a été saisie à la poste, elle peut être timbrée, mais ne peut pas être déchirée. Elle ne peut être à la fois déchirée et timbrée que si elle a été prise chez Esterhazy, mais, alors, elle est sans valeur.

Picquart dit, fort bien, que rien ne prouvait mieux

  1. Procès Zola, I, 331, 332, 342, Lauth.
  2. Ibid., I. 344, Picquart.
  3. Ibid., I, 343, 354, 345, 356.