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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


manda de rechercher, dans ses dossiers secrets, tout ce qui avait trait aux affaires d’espionnage, depuis un an, et d’en faire un dossier. Il réunit, en conséquence, huit ou neuf pièces et les remit au vieux colonel, lui faisant observer toutefois que l’un de ces documents, très important, très secret, ne devait pas sortir du bureau sans avoir été copié ou photographié. (C’était la pièce Canaille de D…) Sandherr lui dit alors qu’il s’en chargeait, fit faire deux ou trois photographies de cette pièce, puis, le 15 ou le 16 décembre, lui rendit tout le dossier. Henry, sans faire le dépouillement des documents, les mit dans une enveloppe qu’il parapha au crayon bleu, colla et enferma dans son armoire de fer, d’où elle ne sortit que le jour où Picquart la demanda à Gribelin. (Ainsi tombe la légende des pièces secrètement communiquées aux juges de Dreyfus.)

Cependant Henry, quand Sandherr lui rendit le dossier secret, s’était étonné que le colonel n’en eût plus besoin. « J’en ai un plus important », répondit Sandherr. Sur quoi. « lui ayant fait jurer de n’en parler jamais », il lui montra une lettre plus importante, en effet, que celles de l’autre dossier », ajoutant « qu’il la gardait, avec quelques autres pièces, pour s’en servir au besoin ». Et plus jamais Henry n’en entendit parler ; jamais le colonel ne lui remit le redoutable dossier.

Picquart ne comprit rien à cette histoire ; il n’avait jamais entendu parler de ces pièces mystérieuses ; il savait seulement qu’Henry mentait quand il racontait que l’autre dossier n’avait pas été communiqué aux juges de Dreyfus. En effet, Picquart avait conseillé la communication secrète et il croyait que c’était lui-même qui avait remis les pièces secrètes aux juges.

Pourtant, il se tut.

Gonse et Boisdeffre se turent, eux aussi, mais ils