Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/401

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
395
LE PROCÈS ZOLA


séance de la Chambre), mais les chefs de l’État-Major eux-mêmes hésitaient de nouveau, après avoir promis de s’engager à fond ; dès lors, il devenait nécessaire, à la cour d’assises comme dans la presse, de faire sentir la pointe.

Il manœuvra en conséquence. Albert Clemenceau, l’ayant fait revenir à la barre, l’avait, une fois de plus, convaincu de mensonge. Même en admettant que le dossier n’eût pas été repris par Gonse en octobre, l’avocat démontrait qu’il était encore impossible de placer l’affirmation d’Henry, entre le 7 novembre 1896, date du retour de Leblois à Paris, et le 14, date où Picquart avait quitté le service. Henry, en effet, avait dit successivement qu’il avait parlé à Gonse trois jours après avoir vu Leblois chez Picquart et que Picquart avait reçu son ordre de mission huit jours après cette dénonciation. Cela faisait onze jours qui ne pouvaient s’intercaler entre le 7 et le 14[1]. Il restait seulement qu’Henry jurait « qu’il y avait du feu dans la chambre[2] ».

Henry, se sentant ainsi submergé à nouveau, renouvela alors son coup ordinaire, celui du soldat de caserne, impuissant à se contenir, qui s’emporte et qui sacre. Il protesta, à la stupeur de Picquart déconcerté par une telle effronterie, que la pièce Canaille de D… n’avait jamais eu « aucun rapport avec le dossier Dreyfus » ; puis, brusquement : « Je vais d’ailleurs m’expliquer sur le dossier secret. » Et comme Labori lui donna son assentiment : « Eh bien ! allons-y[3] ! »

Il raconta alors qu’en 1894, au mois de novembre, tout au début de l’affaire Dreyfus, Sandherr lui com-

  1. Procès Zola, I. 374, Albert Clemenceau.
  2. Ibid., I. 358, Henry.
  3. Ibid., I, 375, Henry.