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LE SYNDICAT

Brisson, de son fauteuil, attendit, pour découvrir le complot clérical, qu’il fût par lui frappé et meurtri. Il avait fait de la politique de l’Église et des moines l’étude acharnée d’une partie de sa vie. Il refusa toujours de croire à la sincérité des ralliés qu’il appelait les « perfides », et quand les Pères Blancs, autour du cardinal Lavigerie, entonnèrent la Marseillaise, il n’en fut pas charmé, mais effrayé. Il pensait volontiers que la tolérance n’est pas due aux intolérants et m’a reproché d’avoir réclamé « l’Édit de Nantes des partis » pour ceux qui l’avaient violé[1]. Mais il croyait que Dreyfus avait été justement condamné, ne se souciait pas encore qu’il l’eût été en violation de la loi et redoutait des complications diplomatiques. L’année précédente, il avait engagé Castelin à renoncer à son interpellation[2].

Et tous écoutaient avec inquiétude le tumulte croissant du dehors, les menaces de Drumont. Comme toutes les tyrannies, celle de la presse est insatiable. Moins elle trouve de résistance, plus elle exige. Bientôt, le silence des représentants du peuple ne lui suffira plus. Se taire, c’est refuser de prendre parti contre les traîtres[3].

VIII

La violence des passions déchaînées effraya surtout les ministres. Ils avaient cru désarmer les hostilités en déclinant l’honneur de faire eux-mêmes la revision.

  1. H. Brisson, La Congrégation, 14 et 15.
  2. Séance du 19 décembre 1898 : récit de Castelin, confirmé par Brisson.
  3. Libre Parole du 17 novembre 1897.