« les pièces de conviction qui avaient été saisies au domicile de Dreyfus et, notamment, deux lettres de Mathieu, l’une sur une émission d’obligations, l’autre sur des fusils de chasse[1] ».
La stupeur augmenta quand Labori sortit le fameux diagramme de Bertillon, « l’arsenal de l’espion ténébreusement conseillé ». On attendait un désaveu. Il se rengorgea, s’étonna seulement, comme d’une déloyauté, « que le fac-similé n’eût pas reproduit un point très important : le point du buvard ». On lui dit qu’il pourrait lui-même faire la correction : « Où faut-il placer le point ? Dans l’arsenal ? dans les tranchées ? » Il y avait encore, sur le plan, des flèches et un cœur. Et comme l’auditoire tout entier avait passé subitement de la colère à une gaîté folle, il se fâcha, ahuri et solennel, car l’affaire était sérieuse, son système infaillible : « On verra après ma mort, au point de vue historique[2]. »
Les généraux eux-mêmes ricanaient, oubliant que l’État-Major avait proclamé que cet aliéné était « un grand savant » : « Quel âne ! », s’écria l’un d’eux[3].
Bertillon, à l’audience suivante[4], ne rapporta pas les pièces du buvard, non qu’elles lui eussent été, déclara-t-il, refusées par le ministre de la Guerre, mais parce « qu’il n’était qu’un témoin qui n’était pas chargé de faire des commissions et qu’il avait consulté la situation ». « Vous eussiez mieux fait, observa Albert Clemenceau, de consulter le ministre ou le préfet de police ». En tout cas, n’ayant pas les pièces, il ne pouvait pas faire