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LE JURY

Après sa déposition, il s’était approché de Zola, lui avait serré la main. C’était la première fois qu’il le voyait. L’avant-veille, Picquart s’était présenté à Zola. Étrange Syndicat !

Des hommes comme Grimaux avaient trop vécu. Il appartenait à une génération encore frémissante de la Révolution, qui avait gardé du citoyen un idéal superbe et qui ne comprenait ni la France ni l’armée sans la justice. Or, la terre fatiguée ne produisait plus de tels hommes, puisque les uns l’insultaient et que les autres, les meilleurs, l’admiraient comme un héros quand il pensait avoir accompli simplement un élémentaire devoir.

III

Point de bon drame sans bouffons. Shakespeare a ses clowns ; il appelle clowns les fossoyeurs d’Hamlet. On entendit Bertillon.

Les revisionnistes étaient fort suspects de l’avoir diffamé. Son premier mot fut qu’il n’avait nulle confiance dans les expertises, que ses preuves étaient scientifiques, non graphiques, et que « le bordereau obéit à un rythme géométrique dont l’équation se trouve dans le buvard du premier condamné[1] ». « On peut rétablir l’écriture de Dreyfus, avec ce buvard. Je le ferai, si on le désire. »

Labori, comme on peut croire, lui dit qu’il ne souhaitait rien tant et mit à sa disposition un tableau noir. Mais Bertillon répliqua qu’il ne pouvait opérer sans

  1. Procès Zola, I, 406, Bertillon.