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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


autres ; qu’elle en possédait d’autres qui ne contenaient pas de moindres injures contre l’armée et contre la France ; qu’Esterhazy les lui avait maintes fois réclamées, mais qu’ayant été traitée de faussaire, elle entendait rester armée de toutes pièces[1].

Albert Clemenceau cita quelques passages de ces lettres inédites : « Le général Saussier est un clown et, chez eux, les Allemands le mettraient dans un cirque ; si les Prussiens arrivaient jusqu’à Lyon, ils pourraient jeter leurs fusils, en gardant seulement leurs baguettes pour chasser les Français devant eux. »

L’authenticité de ces lettres était si criante que la Cour refusa d’ordonner un supplément d’information, mais sous l’extraordinaire prétexte « qu’il serait sans résultat », que Mme de Boulancy refuserait de répondre[2]. Esterhazy avoua[3].

L’État-Major sentit passer le vent de la défaite[4] ; Pellieux se jeta dans la mêlée.

V

Il avait pris, depuis quelques jours, le commandement des témoins militaires et celui de l’audience, parlait

  1. Procès Zola, I, 510.
  2. Ibid., II, 4.
  3. Figaro du 17 février 1898 : « Cette lettre date de 1881 ; je venait de visiter Lyon que je trouvais déplorablement préparé à la défense. » — Pour la phrase sur le général Saussier : « Je l’ai mise dans une de mes lettres, mais en la donnant comme une citation. »
  4. Mathieu Dreyfus sut alors, par un photographe qui s’était mis en rapport avec les jurés, que la majorité inclinait, à ce moment précis, vers l’acquittement. — Pellieux (Gaulois du 2 septembre 1898) et Tézenas eurent le même renseignement. (Esterhazy, Dép. à Londres (Éd. de Bruxelles, 80.)