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LE JURY


en chef, sentait sa force et, tout de suite, en avait usé.

On a vu que Gonse, dans l’audience où Henry fit son coup d’éclat, avait dit de Picquart : « Il est susceptible de très bien faire son service dans l’avenir, s’il le veut. » Fallacieuses ou non, ces paroles de paix indignèrent L’État-Major. Gonse fut invité à les retirer. Il vint donc à la barre, mais trois jours après[1], pour expliquer que la sténographie l’avait mal reproduit. Ç’avait été son sentiment, autrefois, que Picquart serait susceptible de redevenir un bon officier ; mais il ne le croyait plus. Il protesta, par la même occasion, que l’État-Major n’avait pas fait parvenir le document libérateur à Esterhazy comme un « cordial[2] » : « La photographie a passé par les mains de Picquart, d’Henry, de Gribelin, et par les miennes. Je connais Henry, j’en réponds comme de moi ; il en est de même de Gribelin. » Dès lors, c’était bien la dame voilée, l’amie de Picquart, qui avait livré le document à Esterhazy.

Le terrain ainsi déblayé, Pellieux alla de l’avant.

Il ouvrit le feu, franchement, par une véhémente plaidoirie[3] en faveur d’Esterhazy avec qui, tous ces jours, on l’avait vu conférer.

L’attribution du bordereau à Esterhazy par tant de savants avait beaucoup porté. Mais comment les réfuter ?

Plusieurs, qui n’étaient nullement revisionnistes, s’étaient étonnés de l’attitude des experts qui, ayant conclu devant le conseil de guerre en faveur d’Esterhazy, avaient refusé d’indiquer au jury leurs arguments. Cela n’intéressait pourtant pas la Défense nationale !

Pellieux, lui-même, avait dit à plusieurs reprises

  1. Procès Zola, I, 488 (15 février 1898).
  2. C’est ce qu’avait dit Jaurès.
  3. 16 février. — Procès Zola, II, 8 et suiv.