Gonse, très patelin, se borna à confirmer ce qu’avait dit Pellieux et à déclarer que, « lui aussi, il ne connaissait pas le frein et qu’il n’avait jamais vu tirer le canon de 120[1] ».
Picquart ne releva pas cet aveu d’une ignorance qui, peut-être, n’était pas feinte, mais, ce qui lui parut beaucoup plus important, la déclaration inattendue de Pellieux sur les manœuvres d’automne et sur la note d’août au sujet de Madagascar. Il observa qu’« il ne faudrait pas confondre les dates, que, sans doute, il y avait eu des manœuvres à l’automne de 1894, mais que le bordereau était d’avril ». Or, c’était là que Pellieux, soufflé par Henry, l’attendait : « Le bordereau, dit-il brusquement, n’est pas d’avril, j’en appelle à M. le général Gonse, » Et Gonse confirma.
La fausse date, qui avait été donnée en 1894 au bordereau, avait fait son œuvre. Elle avait servi, en 1894, à étrangler Dreyfus, et, en 1898, à faire échapper Esterhazy[2]. Maintenant que Pellieux avait mis les jurés en demeure d’opter entre la revision du procès de Dreyfus et la boucherie, il importait peu que la con-
- ↑ Procès Zola, II, 107, Pellieux : 109, Gonse.
- ↑ Procès Esterhazy, 129, Esterhazy : « Je n’ai jamais été aux écoles à feu qu’en août ; je ne pouvais donc pas livrer en avril les documents en question. » 130 : « Je ne me suis occupé de la mobilisation qu’en septembre 1894, quand mon régiment a quitté Évreux : je n’étais pas à même, en avril, de fournir des renseignements. » 130 : « Comment moi, petit major à Rouen, aurais-je pu connaître le plan 13 en mai 1894 » 131 : « Il y a une note relative à Madagascar ? — En avril 1894 ! » 132