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LE JURY


damnation de l’un et l’acquittement de l’autre croulassent par la base. On ne pensait pas encore que la vraie s’adapterait, un jour, à de nouveaux mensonges pour perdre, une seconde fois, Dreyfus. Mais on s’en servait, en attendant, pour prendre publiquement Picquart en flagrant délit d’inexactitude ou de mauvaise foi.

Picquart fut stupéfait. Quand Delegorgue lui demanda pourquoi « il avait pensé que le bordereau était d’avril », il répondit seulement : « Je l’ai toujours entendu dire au bureau. » Ce qui était l’exacte vérité. Nul doute ne lui était venu à ce sujet, même après avoir perdu sa confiance dans les chefs. Et, pourtant, lui, d’esprit si subtil et si ingénieux, comment avait-il pu croire que le bordereau, trouvé par Henry en septembre dans le cornet de la ramasseuse, puisque telle était la légende, datât du printemps, alors que la Bastian apportait son butin, deux fois par mois, au ministère ? Comment ce document, vieux de quatre ou cinq mois, aurait-il été trouvé dans le panier de Schwarzkoppen ? Et, alors même ? que Schwarzkoppen eût jeté au panier ou que la Bastian eût volé un document déjà ancien, sur quoi s’appuyait-on pour lui donner la date d’avril ou de mai, puisqu’il avait été pris en septembre et ne portait pas de date ?

Lui aussi, comme tous les hommes, il avait ses jours de foi où l’esprit critique sommeille.

Cependant, Labori avait commencé par serrer Gonse de près. Comme Gonse, après Pellieux, avait déclaré « que la note très importante sur Madagascar avait été

    « J’ai été aux manœuvres comme major, en mai 1894 ; à cette époque, je ne pouvais pas dire : « Je vais partir en manœuvres » et livrer des renseignements que je n’aurais pu avoir qu’en août ou en septembre. Cette accusation n’a donc aucun fondement. »