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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


partie avec lui, et nous la gagnerons ou nous la perdrons avec lui[1]. » Et il le croyait à tel point innocent qu’il avait réclamé la production du rapport des experts sur la lettre « du Uhlan », indigne d’un officier français, mais « fausse » comme l’avait déclaré Varinard[2]. Toutefois, il redoutait, lui aussi, la rencontre entre Esterhazy et les avocats de Zola, devant ce jury qu’il avait cru conquérir et qui hésitait encore.

Pellieux avait déjà fait allusion aux preuves postérieures du crime de Dreyfus. Il n’arrivait pas à comprendre sous quelle pression, par quelle peur honteuse, l’État-Major s’obstinait à ne pas produire, pour en finir une bonne fois, cette preuve décisive du crime du juif, la lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen, qui avait fait sa propre certitude. Il en avait exprimé, à plusieurs reprises, son étonnement. Seul, mais sans dire pourquoi, Esterhazy qui avait dit que les chefs avaient raison, qu’il vaudrait mieux ne pas publier cette pièce[3]. Mais Esterhazy, sans doute, avait subi quelque influence. Quoi ! être armé d’une telle preuve et risquer la défaite !

Pellieux, sans consulter personne, fit dire à Delegorgue qu’il demandait à compléter ses observations.

X

Il prit pour prétexte — car, à quelques-unes des qualités d’un vrai capitaine, il joignait celles d’un avocat ou d’un jésuite très subtil — que la défense avait lu

  1. Le propos, selon Esterhazy, lui fut rapporté par Tézenas, ainsi qu’à Boisandré : il fut, plus tard, contesté par Pellieux, mais faiblement. (Cass., II, 186, Conseil d’enquête Esterhazy.)
  2. Procès Zola, II, 84, Varinard ; 86, Pellieux.
  3. Daily News du 3 octobre 1898.