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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


égorgerait jusqu’au dernier[1]. « De même. Millevoye[2], et Drumont[3]. Le grand mot de Pellieux : la Boucherie, opérait. On sentait monter la soif du sang.

À la sortie de l’audience, Thiébaud parut chercher une première victime, celle dont le meurtre suffit à déchaîner la bête humaine. Il interpella violemment Leblois et le désigna à la foule qui faillit l’écharper[4]. Des avocats le firent rentrer au Palais, le protégèrent. Il fallut faire sortir Zola et les avocats par une porte dérobée. Je fus également poursuivi, menacé. Des femmes, en folie, poussaient des cris de mort[5].

J’écrivis, le soir même, dans le Siècle, que le document produit par Pellieux était imbécile, que « cette pièce ridicule puait le faux[6] ». Et, d’instinct, instruit

  1. Louis Teste, rédacteur au Gaulois, dans le Journal de Bruxelles du 17 février 1898 : « Supposez un acquittement et dites-moi si vous êtes sûr de pouvoir soustraire Zola et le jury à la fureur de la foule qui voudrait les jeter dans la Seine. »
  2. « Aux appels de la patrie en danger, un cri sortira de millions de poitrines françaises : « Mort aux traîtres ! » Trarieux et Reinach, des lâches, se traîneront alors à nos genoux. Ni grâce ni pardon ! » (Patrie.)
  3. » La fureur populaire grondera autour des palais construits par les juifs avec l’or volé aux Français. (Libre Parole.)
  4. Matin. Siècle, Aurore, Temps, etc. Dans la Libre Parole : « Le sale individu, cerné de tous côtés par la foule qui le conspue furieusement, fuit comme un lapin. »
  5. Bonnamour : « Dehors, on siffle, on hue Reinach qui fuit, Guyot qu’on protège, Leblois qui s’esquive. Des femmes s’oublient jusqu’à lever le poing, jusqu’à proférer d’atroces menaces. » (Écho du 18.)
  6. L’article, qui parut le lendemain matin, est intitulé : Le coup de massue du général de Pellieux. Il se termine ainsi : « Quelle est la dame voilée, quel est le Lemercier-Picard qui a apporté, qui a fabriqué ce faux ridicule ? » (Vers la Justice par la Vérité, 320.) — Trois jours après, le 21 février, je traitai encore la pièce de « faux ridicule et inepte », « non moins stupide et non moins manifeste que les lettres à ou de l’Empereur d’Allemagne ». (Ibid., 324.)