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LE JURY


bandes, hurlaient, montraient le poing aux accusés et aux avocats, aux partisans de la Revision : « Misérables ! Brigands ! Mettre en doute la parole de généraux ! Tout est permis contre eux. Qu’attend-on pour arrêter Reinach ? Ces gens-là vont tuer la Patrie ! La réponse, nous l’aurons demain, signée : Guillaume. C’est la guerre ! À bas les Juifs ! À bas Zola[1] ! » Tézenas, très ému : « Moi qui sais tout, je pleure[2]. » On acclame Pellieux, Gonse, Esterhazy.

Depuis quelques jours, comme sur le signal d’un invisible archet, les gens du père Du Lac et les journalistes d’Henry annonçaient la guerre imminente avec l’Allemagne et menaçaient les juifs, les défenseurs de Dreyfus, les jurés s’ils acquittaient Zola, d’une Saint-Barthélémy vengeresse. Rochefort tenait d’une source certaine ces propos authentiques de l’Empereur Guillaume à l’un de ses familiers : « L’affaire Dreyfus est bien supérieure, comme invention, à l’affaire de la candidature Hohenzollern… Si on viole le huis clos, ce sera la guerre avec toutes les chances pour nous[3]. » Il savait aussi que les officiers allemands ne se gênaient pas pour boire à Zola dans leur brasseries et graissaient leurs bottes pour entrer en campagne. Dès lors, toutes les représailles seraient légitimes. Un orléaniste de marque. Teste, tenait le même langage : « L’idée d’une Saint-Barthélémy des juifs a traversé comme un éclair l’esprit du peuple français. Si l’appel qu’ils ont fait à l’Allemagne et auquel l’Allemagne a probablement répondu, nous amenait la guerre, je suis sûr, aussi sûr que j’existe, que, le lendemain, il ne resterait plus un seul juif vivant en France. On les

  1. Libre Parole (article de G. Méry), Écho, etc., du 18 février 1898.
  2. Libre Parole du 18.
  3. Intransigeant du 17 : Jour, Patrie, Croix, etc.