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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


même, à son gouvernement qu’il demandait à être remplacé à Paris, ne voulant plus avoir affaire à de telles gens. Le ministre des Affaires étrangères, le marquis de Visconti-Venosta, vieux philosophe qui ne s’étonnait plus de grand-chose, lui répondit qu’un tel éclat ferait plus de mal que de bien. Mais il lui ordonna de réitérer à Hanotaux sa déclaration formelle que jamais Panizzardi n’avait eu de rapports avec Dreyfus, que la pièce était un faux.

Hanotaux connut sans doute l’incident, même avant de recevoir cette nouvelle communication[1], soit par ses déchiffreurs de dépêches, soit par l’un des espions du ministère de la Guerre qui s’étaient introduits à l’ambassade, soit encore par le bruit public, car il en fut parlé le soir même.

Pourquoi, dans cette affaire, les étrangers eussent-ils menti, et si obstinément ? Panizzardi et Schwarzkoppen ne nient pas qu’ils ont travaillé avec un espion. Que cet espion s’appelle Dreyfus ou Esterhazy, qu’il soit juif ou chrétien, leur faute est la même. Ils n’ont nul intérêt à répéter que ce n’est pas Dreyfus.

Hanotaux fut fort troublé ; faire machine en arrière, déclarer qu’on avait acquis des raisons de tenir pour suspecte la pièce qui avait été produite par Pellieux, suspendre le procès, il entrevit cette honorable solution.

Henry n’avait pas dit aux généraux qu’il avait fabriqué la lettre. Seuls, Lemercier-Picard et Esterhazy[2] connaissaient toute la vérité.

  1. Le ministère italien fit si peu de mystère de ce nouveau démenti que le correspondant du Figaro en informa son journal dès le 21 février. « Cette déclaration a été voulue, écrit le correspondant, par M. Visconti-Venosta.
  2. Voir p. 443. — Esterhazy paraît en avoir fait également la confidence à Marguerite Pays. (Cass., I, 790, Pierre Gérard.)