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LE JURY


rage ; il salua en lui « l’uniforme français[1] ». Puis vingt patriotes, Guérin en tête, le portèrent en triomphe jusqu’à sa voiture. La place Dauphine était noire d’une foule compacte qui criait : « À mort les juifs ! à mort ! à mort ! à l’eau ! » Il était si ému, ou si épuisé, « qu’il faillit se trouver mal[2] ».

XV

La grande affaire était toujours d’intimider les jurés. Ou la condamnation de Zola, ou l’émeute, la démission de l’État-Major, la guerre civile et la guerre étrangère.

On avait, sous la main, les pillards et les assommeurs d’Alger, Max Régis, Pradelle. Guérin les exhiba dans une grande réunion[3] où quiconque ne criait pas : « Mort aux juifs ! » fut roué de coups de poings et de coups de canne. Quand on eût cassé ainsi quelques têtes, le jeune Milanais raconta ses exploits d’Afrique, comme quoi il avait crevé des coffre-forts, jeté l’or à la mer, brûlé des effets de commerce. Il convia ensuite « le peuple à arroser du sang des juifs l’arbre de la liberté[4] ».

  1. Viviani, député socialiste de Paris, ayant fait allusion à l’incident dans son discours du 24 février, à la Chambre, le prince Henri d’Orléans convint qu’il s’était fait présenter, en effet, à Esterhazy, mais nia qu’il lui eût donné l’accolade, comme l’Aurore l’avait raconté. Il avait voulu « saluer l’uniforme français et le jugement de l’armée ». Il avait seulement » serré la main du commandant Esterhazy ». (Lettre du 25 février 1898).
  2. Libre Parole : « Oh ! la belle journée pour tous les bons Français ! Pour le coup. Israël a fini de rire » …
  3. Le 19 février, à la salle Chaynes.
  4. Libre Parole. Figaro, Temps, etc. — Thiébaud et Millevoye tinrent ensuite une réunion sur la place du Panthéon. « On