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LE JURY

Il essaya de ne laisser de côté aucune objection, lut beaucoup de documents et les commenta avec soin, des lettres de Dreyfus qui émurent beaucoup, le récit de Forzinetti, et termina par quelques phrases vibrantes en l’honneur de l’armée :

Ne vous laissez pas troubler ! Ne vous laissez pas intimider non plus ! On a parlé du danger de guerre qui nous menace ! Soyez tranquille, aucun danger ne nous menace, pour plusieurs raisons, dont la première est que les soldats que j’ai vus ici peuvent bien se tromper au cours d’une information judiciaire qui, après tout, n’est pas de leur métier, mais qu’ils se battraient bien demain et qu’ils nous conduiraient, je l’espère, à la victoire. Pour cela, j’ai confiance en eux !

Surtout ne craignez rien, c’est l’énergie morale qui fait la force des peuples… Donnez par l’acquittement un exemple de fermeté.

Que votre verdict signifie plusieurs choses : d’abord, « Vive l’Armée ! » — Moi aussi, je veux crier : « Vive l’Armée ! » — Mais aussi, « Vive la République ! » et « Vive la France ! » c’est-à-dire « Vive le Droit ! Vive l’Idéal éternel[1] ! »

Des applaudissements éclatèrent, mêlés à des clameurs. C’était la dernière audience. Dans l’impatience du verdict, les deux partis en présence avaient perdu toute mesure. Les officiers frappaient le plancher de leurs fourreaux. Au milieu du prétoire, Déroulède faisait de grands gestes, accompagné de Marcel Habert, ce même député qui avait promis à Demange d’intervenir à l’interpellation de Castelin pour révéler la forfaiture de Mercier.

  1. Procès Zola, II, 219 à 403. Labori.