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LE SYNDICAT


de congé. Il lui déclara qu’il n’avait jamais connu Dreyfus. Le soir, il partit pour Berlin[1].

C’était, en langage diplomatique, l’aveu formel de ses rapports coupables avec Esterhazy. Boisdeffre ou Henry, en conséquence, firent raconter, dans leurs journaux, que le Syndicat avait projeté de déférer le serment à Schwarzkoppen au sujet de Dreyfus ; l’officier allemand « a préféré s’éloigner que se parjurer[2] ». Rochefort trouva que cela faisait « grand honneur au colonel prussien[3] ».

Une telle impudence, tant de mensonges répandus par la presse, indignèrent Schwarzkoppen. Il eût voulu parler, dire publiquement la vérité. Mais l’Empereur, le chancelier (Hohenlohe), le général de Schlieffen, en jugèrent autrement. Ils s’étaient persuadés qu’ils n’avaient pas le droit de prendre une telle initiative, de trahir le traître. Si le témoignage de Schwarzkoppen est réclamé par le gouvernement français, il sera autorisé à déposer, soit devant l’ambassadeur de France à Berlin, soit devant une autorité judiciaire[4]. D’ici là, le gouvernement allemand se bornera à affirmer au gouvernement français qu’il n’a jamais connu le prisonnier de l’île du Diable.

À la première réception diplomatique[5] qui suivit le départ de Schwarzkoppen, le comte de Munster avait renouvelé, en effet, ses précédentes déclarations. C’était le lendemain du jour où le nom d’Esterhazy avait éclaté. Le vieil ambassadeur parla avec force, se redres-

  1. 15 novembre 1897. — L’audience eut lieu dans l’après-midi ; la lettre de Mathieu fut écrite dans la soirée.
  2. Intransigeant et Patrie du 24 novembre.
  3. Intransigeant du 24.
  4. Déclaration de Schwarzkoppen au docteur Muhling (Cass., I, 460, Monod).
  5. Mercredi 17 novembre 1897.