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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sements). Ce soldat rentre chez lui, humilié, exaspéré, son sang bouillonne dans ses veines ; puis, le jour vient où un chef de parti, un homme dont tous les discours sont des actes, lui lance à la face, devant la France et devant l’étranger, cette épouvantable accusation de préparer par son incapacité les désastres de la patrie, » (Jaurès proteste que Méline travestit ses paroles). Méline : « Et vous vous étonnez que ce général, se retrouvant devant les juges qui ont accueilli l’accusation, n’ait pu retenir un cri… »

Nulle défense plus habile, et, disons-le, nulle n’eût été plus légitime si Méline n’avait pas connu le caractère frauduleux de la fameuse pièce.

Méline, voyant qu’il avait la partie gagnée, que son apologie de Boisdeffre, en guise de désaveu, suffisait aux républicains, s’adressa alors aux passions du dehors. Trois fois, il revint à la charge, avec une véhémence entraînante, pour établir que, seuls, les défenseurs de Dreyfus étaient responsables d’une crise où, « depuis quatre mois, la vie de la nation était suspendue et arrêtée ». Et il désigna, énuméra les coupables : la presse, sans doute payée, il ne le dit pas, mais l’insinua[1] ; elle a reçu déjà une première punition, « celle de ceux qui parlent mal de la France, les applaudissements de l’étranger » ; — les Juifs « qui ont si follement engagé cette campagne » ; l’antisémitisme est leur œuvre ; ils préparent, par les haines qu’ils soulèvent, « un siècle d’intolérance » ; — et « cette élite intellectuelle qui semble prendre plaisir à envenimer les haines sanglantes ».

  1. « A-t-on vu les journaux qui mènent si bruyamment la campagne aujourd’hui pour Dreyfus s’enflammer autrefois pour le capitaine Romani ? — Jourdan (de la Lozère) : Il n’y avait pas d’argent ! »