Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/494

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
488
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


nonça « qu’il prendrait les mesures disciplinaires que commandaient les circonstances ».

Ainsi, du haut de la tribune, il jeta l’os à ronger. Les noms des victimes désignées étaient sur toutes les lèvres.

La Chambre, d’acclamation, sur la motion de Charles Ferry, ordonna l’affichage du discours[1].

Les faits seuls pouvaient y répondre. La question était de savoir si les « intellectuels », si les défenseurs du droit se laisseraient intimider, s’ils s’inclineraient sous les menaces, si la pitié pour l’innocent céderait à la peur. Or, et sans même se consulter, tous étaient résolus à poursuivre la lutte. Ils prouveront le mouvement en marchant. À quoi bon, dans ce tardif débat, sans autre résultat que de grandir la victoire de Méline, annoncer que la bataille continue ? Jaurès se tut : cette foule de candidats exaspérés, cramponnés à leur mandat, qu’était devenue la Chambre, l’aurait-elle seulement laissé parler ? Pour moi, depuis plusieurs semaines, dès que je m’asseyais à mon banc, le vide se faisait. Même dans les couloirs, rares étaient ceux qui ne me fuyaient pas. Et ceux qui ne se dérobaient point, cependant ne me cachaient pas leur gêne, quand je les abordais, et m’auraient su gré de ne plus paraître à la Chambre.

Il n’y eut donc d’autre réplique à Méline que de Cavaignac, obstiné à reprocher à Billot « d’avoir commencé par ouvrir largement les portes aux amis de Dreyfus, en engageant les procès » ; de s’être borné ensuite « à leur opposer la maigre affirmation de la vérité légale », au lieu d’apporter à ce pays, « qui avait besoin de clarté, tout ce qu’il détenait de vérité vraie » ;

  1. « Jamais le président du Conseil n’a soulevé d’acclamations plus enthousiastes ni plus unanimes. » (Temps du 26 février 1898.)