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MORT DE LEMERCIER-PICARD


bienfaisance, le chanoine Chalandre[1], la baronne de Hirsch[2], le cardinal Richard, archevêque de Paris[3]. Comme il était doué d’une faculté remarquable d’invention, il leur contait d’étonnantes histoires, jamais la même, mais qui intriguaient ou émouvaient. Il signait chacune de ses épîtres d’un autre nom et « changeait d’écriture comme il voulait[4] ». Sa maîtresse s’en émerveillait.

C’était une fille bretonne. — Léontine Le Bonniec,[5] — qu’il avait rencontrée, l’été passé, à Bordeaux et qui s’était attachée à lui, l’avait suivi à Paris. Elle ignora toujours son vrai nom et ses moyens d’existence, mais il était « généreux et gai ». Il « se flattait d’avoir de belles relations et allait souvent à Saint-Vincent de Paul ». — On n’a pas oublié qu’Henry, lui aussi, fréquentait les églises ; il y donnait ses rendez-vous à la Bastian[6].

Après une courte séparation, en février, ils reprirent la vie commune. Elle loua une petite chambre, au

  1. Écho de Paris du 6 mars 1898. — Il écrivit au chanoine, le 24 février, sous le nom de Martin, et lui demanda de répondre à la même adresse qu’il avait donnée à Séverine. Il lui avait précédemment (21 février) rendu visite sous le prétexte de l’avertir que si Zola était acquitté, les anarchistes, dont il avait surpris les desseins, feraient sauter l’archevêché. Dans sa lettre, il se disait « trop connu pour solliciter un emploi honorable ». Il priait, le chanoine de lui donner rendez-vous dans une église.
  2. Il écrivit à Mme de Hirsch qu’il était une victime des troubles antisémites de Nancy et que, sans travail, ne pouvant plus en trouver en France, il avait décidé d’en chercher en Angleterre. Il la suppliait de lui payer ses frais de voyage. « Pour échapper à ses ennemis », il avait quitté son nom de Hirsch et pris celui de Roberty-Durrieu.
  3. Rapport du commissaire Bernard. (Instr. Bertulus, 22 mars 189.)
  4. Instr. Bertulus, 5 mars 1898, Léontine Le Bonniec.
  5. Et non Le Robuec, comme dirent les journaux.
  6. Voir t. II, 229.