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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


forcé, pour échapper à la mort, de chercher asile en Angleterre. Il promit seulement de lui remettre ses frais de passage, le jour de son départ et à la gare.

Le lendemain, Lemercier alla au ministère de la Guerre. Précédemment, sous le nom de Roberty-Durrieu, il s’était adressé à l’intendant général Raison pour demander la liquidation d’une prétendue pension de retraite. L’intendant ne le reçut pas, lui répondit seulement, par écrit, qu’il comptait arriver bientôt à une solution favorable et qu’en tous cas, il tenterait une démarche pour lui faire verser une avance : « Revenez me voir lundi prochain[1]. »

Enfin, le 3 mars, Lemercier se rendit dans la matinée à la mairie du VIIe arrondissement où il avait déjà soutiré un subside. Il portait, comme à son habitude, le ruban de la médaille militaire et raconta une autre histoire, qu’il avait été ruiné en Amérique, qu’il avait femme et enfants, que sa femme était enceinte et qu’il avait vendu sa pipe pour avoir de quoi manger. L’em-

  1. On trouva, dans le portefeuille de Lemercier-Picard, après sa mort, ces deux notes écrites sur papier à en-tête du ministère de la Guerre, salle d’attente : « Demande. Paris, le 2 mars. M. Roberty-Durrieu prie M. le sous-intendant général Raison de bien vouloir lui communiquer le résultat des démarches qu’il a entreprises relativement à l’encaissement des arrérages de sa pension. — Réponse. L’intendant général Raison a fait toutes les démarches possibles, mais il se heurte toujours au résultat de l’enquête dont le ministère des Affaires étrangères est chargé. On m’affirme cependant que le rapport fourni par le consulat de New-York ne peut tarder à arriver. Dans tous les cas, je vais tenter une dernière démarche pour vous faire obtenir une partie par anticipation. Revenez me voir lundi prochain. Signé : R. » — Ce qui n’empêchera pas Roget de dire à Rennes (II, 539) que l’intendant Raison n’avait jamais vu Lemercier-Picard. — Ces notes, écrites sur un même morceau de papier, furent versées à l’instruction, ainsi que la fiche suivante : « Extraits des sommiers judiciaires. Roberty-Durrieu. Inconnu. »