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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Picquart avait remis à Gast, avant ce duel, une courte note ; il affirmait à nouveau que Dreyfus était innocent et que les pièces du dossier secret étaient puériles, qu’elles n’auraient pas supporté un quart d’heure d’examen contradictoire.

La blessure d’Henry était si légère qu’il n’eut pas à s’aliter. Il reçut la visite d’un grand nombre d’officiers, Boisdeffre en tête[1].

Picquart avait, jusqu’alors, laissé sans réponse les diverses communications des témoins d’Esterhazy. D’autant plus à l’aise qu’il venait de se battre avec Henry, il leur écrivit, sans commentaire, qu’il refusait de se rencontrer avec leur client. Il déclina même, et sans autre explication, l’arbitrage d’un jury d’honneur où l’académicien Mézières[2], Déroulède et Féry d’Esclands[3] avaient accepté d’être arbitres pour Esterhazy[4] et que le général Dufaure du Bessol[5] avait consenti à présider. Sainte-Marie et Bergougnan, qui estimaient que leur ami « avait fait beaucoup d’honneur à Picquart », en le provoquant, déclarèrent que les refus successifs de celui-ci constituaient « une nouvelle injure à l’armée dont il avait cessé de faire partie[6] ». Et l’espion vomit quelques grossièretés : Picquart était « un lâche » ; « il avait, décidément, en tout, des mœurs étranges, et il ne relevait plus que de

    le procès-verbal qui réglait la rencontre, il avait été stipulé que la note, qu’Henry avait remise à Ranc, devait être, du fait même du duel, « considérée comme nulle et non-avenue ».

  1. Temps du 6 mars 1898.
  2. Député, président de la commission de l’armée.
  3. Conseiller-maître à la Cour des Comptes, depuis duc du pape.
  4. Les trois autres arbitres eussent été au choix de Picquart.
  5. Grand’croix de la Légion d’honneur.
  6. Lettre du 11 mars 1898 à Esterhazy.