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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sachant d’autres amants[1], et, dépenaillé maintenant, sans rien de son élégance d’autrefois, l’œil hagard et terne du noctambule épuisé. Surtout, Christian et sa mère, avisés enfin que leur illustre parent était criblé de dettes et réduit aux expédients[2], réclamaient, avec une insistance gênante, les fonds engagés dans l’affaire Rothschild. Il essaya, avec son effronterie ordinaire, de reculer l’échéance, l’aveu de sa filouterie, et débita cent mensonges contradictoires : il fallait prévenir, trois mois d’avance, pour opérer un retrait : il avait fait en vain des démarches chez Rothschild qui, d’ailleurs, ne se sauverait pas avec la caisse ; ou il refusait d’aller chez les banquiers juifs après la conduite de leurs coreligionnaires à son égard ; et il était absorbé par ses procès, ses duels et « sa candidature à la députation[3] ». Mais Christian n’avait plus confiance et voulait son argent. Ainsi l’avenir ne s’éclairait pas, malgré tant d’éclatantes victoires, et il en sentait d’autant plus la précarité que son professeur d’énergie n’était pas plus rassuré que lui. Henry, en effet, bien qu’au comble de la prospérité et débarrassé de ses principaux ennemis, ne parvenait pas à croire que les vaincus n’auraient plus leur revanche. Lui aussi, il avait tué le sommeil.

VI

Deux hommes l’inquiétaient surtout : Bertulus et Du Paty.

Tout bon observateur qu’il fut, Henry s’était trompé

  1. Cass., I, 789, femme Gérard, concierge.
  2. Christian Esterhazy, Mémoire, 76 ; Cass., II, 251, Esterhazy.
  3. Lettres des 9, 15, 21 mars, 1er avril 1898.