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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


rendre, équivalant, en droit, à la reconnaissance de l’authenticité des fameuses lettres[1]. Enfin, il s’était particulièrement attaché à l’affaire des faux télégrammes Blanche et Speranza, et il voulait la pousser jusqu’au bout.

Il était d’autant plus résolu qu’un piège abominable lui avait été tendu et qu’il faillit y tomber.

Il avait reçu un jour, vers la fin du procès de Zola, une communication singulière du général de Pellieux. Le général lui faisait dire par un de ses officiers qu’il savait enfin qui était la dame voilée, qu’il avait donné sa parole de ne pas la nommer, et qu’il pouvait seulement indiquer l’adresse approximative : « Telle rue, dans les numéros élevés[2]. » — Il avait, d’ailleurs, livré le nom à Esterhazy[3], qui le connaissait déjà par Henry[4].

Bertulus, qui croyait encore à la légende, n’hésita pas à envoyer un policier aux renseignements et, très vite, il apprit le nom de l’inconnue : c’était cette parente de Picquart qui avait eu le père Du Lac pour directeur, et que celui-ci accusait d’avoir été, par dépit, la protectrice mystérieuse d’Esterhazy.

Quelques jours après, Gonse, à son tour, arriva chez Bertulus, comme par hasard, pour savoir où il en était de son enquête ; car, pour lui, « il avait, comme Pellieux, donné sa parole de ne pas nommer la dame ». Le juge lui ayant dit la première et la dernière lettre du nom, Gonse, interprétant à sa façon la parole qu’il prétendait avoir donnée, dit qu’ils étaient bien d’accord, que c’était elle[5].

  1. L’ordonnance fut rendue le 22 mai 1898.
  2. La communication fut faite à Bertulus par l’officier d’ordonnance de Pellieux, le commandant Ducassé.
  3. Cass., II, 278, Esterhazy : « Je n’ai connu son nom que parce qu’il m’a été dit pour la première fois par le général de Pellieux qui pensait que ce pouvait être la dame voilée. »
  4. Voir t. II, 573.
  5. Cela est avoué par Gonse (Cass., I, 570).