Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1903, Tome 3.djvu/54

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion
48
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


au moment où les journaux commençaient à s’occuper du projet de Scheurer et annonçaient qu’il interpellerait le gouvernement sur Dreyfus (Voir t. II, p. 556). Schneider relatait, dans ce rapport, les propos, favorables à Dreyfus, qu’avaient tenus les deux attachés allemand et italien ; mais l’Autrichien restait sceptique : il continuait à croire que le juif avait été à la solde « des bureaux confidentiels allemands de Strasbourg et de Bruxelles[1] ».

  1. « On avait déjà émis bien des fois pareille supposition, écrivait Schneider, que le traître est autre que Dreyfus, et je ne serais pas revenu là-dessus si, depuis un an, je n’avais appris par des tierces personnes que les attachés militaires allemand et italien avaient soutenu le même thème dans les salons à droite et à gauche. Je m’en tiens toujours et encore aux informations publiées dans le temps (Voir t. V, 512) au sujet de l’affaire Dreyfus. Je continue à les considérer comme justes et estime que Dreyfus a été en relations avec des bureaux confidentiels de Strasbourg et de Bruxelles, que le grand État-Major allemand cache avec un soin jaloux même à ses nationaux. » — Ce brouillon, en allemand (n° 66 du dossier secret), fut produit par Cuignet devant la Cour de cassation (I, 367) ; puis commenté par Mornard (III, 583). Mercier en avait une copie (on traduction ; qu’il porta à Rennes, dont le greffier donna lecture et qui fut versée au dossier. « Quelle est la date de cette pièce ? » demande le président du conseil de guerre. — « 30 novembre 1897 », répond Mercier (I, 76). Dès qu’il connut cette déposition, le colonel Schneider, qui était malade à Ems (il mourut quelques mois après), télégraphia au Figaro pour protester : « La lettre du 30 novembre 1897, attribuée à moi, est un faux. » (17 août 1899). Il expliqua ensuite, dans une lettre du 22 août, en quoi consistait le faux : « Le 30 novembre 1897, mon opinion était absolument contraire à celle qui se trouve exprimée dans la pièce en question. L’apposition de la date susdite et de ma signature au texte que l’on m’attribue constitue un faux. Ce faux subsisterait dans le cas où, ce dont je ne puis juger sans l’avoir sous les yeux, le texte lui-même émanerait de moi à une autre date » Rennes, I, 144, 145). — Roget, malgré ce démenti, chercha à tirer argument de la pièce ainsi falsifiée (I, 281). Le commandant Rollin, alors chef du Service des renseignements, déposa qu’il avait vu la note dans son texte allemand, « mais qu’il ne savait pas qui en avait fait la traduction ». Enfin, Mercier ayant refusé de dire par qui il avait été mis en possession de la copie