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LES IDÉES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES


croyait le devoir de ne pas s’en taire, surtout sous les menaces des journalistes de sacristie et de corps de garde. Alors que tant de libres-penseurs et de républicains n’osaient pas les regarder en face, il fit à l’un d’eux cette cinglante riposte : « Vous aussi, vous êtes des terroristes[1] ! »

V

Tout à coup, on apprit que la Chambre criminelle de la Cour de cassation avait annulé l’arrêt de la cour d’assises[2].

L’avocat de Zola, Mornard, juriste consommé, d’esprit pénétrant, avait fait valoir sept moyens à l’appui de son pourvoi. Six étaient relatifs à des violations des droits de la défense, notamment à l’arrêt réglementaire qui avait séparé de son contexte une seule imputation diffamatoire ; non seulement l’arrêt par lui-même constituait un abus de pouvoir, mais Delegorgue, en outre, après l’avoir laissé enfreindre par les généraux, l’avait opposé aux avocats. Le septième moyen était relatif à la plainte même du ministre de la Guerre. Selon Mornard, elle ne pouvait servir de base légale à la poursuite, vu que les conseils de guerre sont, en droit, une juridiction permanente et qu’aux termes de la loi, « dans le cas d’injure ou de diffamation envers les cours et tribunaux, la poursuite n’aura lieu que sur une déli-

  1. Courrier du Pas-de-Calais du 29 avril 1898.
  2. Chambre criminelle, audience du 2 avril 1898. (Le compte rendu du procès en cassation a été publié à l’Appendice du tome II du Procès Zola.)