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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Rome avait déclaré que Panizzardi n’avait été mêlé en rien à l’affaire du capitaine Dreyfus[1]. Le marquis Visconti-Venosta, ministre des Affaires étrangères, le général Pelloux, ministre de la Guerre, le général Primerano, chef de l’État-Major, répétaient sans embarras, dans des entretiens particuliers, que le traître était Esterhazy[2]. Ils s’étonnaient qu’une pareille erreur eût pu être commise et se montraient très résolus à ne pas laisser mettre l’Italie en cause.

Billot lui-même avait donné à Scheurer (de mémoire) le texte de la fausse lettre de Panizzardi, d’octobre 1896[3]. Scheurer ne s’en était pas tû, ni le faussaire ; Henry avait récité son faux à Paléologue, qui s’en étonna ; à Esterhazy qui en fit des gorges chaudes ; à vingt journalistes qui, moins perspicaces, annoncèrent qu’au jour voulu Scheurer serait écrasé d’un « coup de massue ». Ils donnèrent des textes variés et inexacts de la pièce, mais d’où résultait que Panizzardi, écrivant à Schwarzkoppen, nommait Dreyfus, le « juif », comme étant à leur service.

Panizzardi avait conté à Tornielli la visite de Lemercier-Picard à Schwarzkoppen et comment le misérable s’était vanté d’avoir fabriqué cette lettre. Dès que les journaux en parlèrent, et de la pièce Canaille de D… qui lui était également attribuée, il dit a son chef que son honneur de soldat exigeait une protestation immédiate. L’ambassadeur n’en voulut laisser le soin à nul autre et se rendit aussitôt chez Hanotaux[4].

  1. Compte rendu du Conseil des ministres du 23 novembre.
  2. Cass., I, 460, Monod. Le général Pelloux m’a fait la même déclaration, à Rome, au mois d’avril 1900.
  3. Voir t. II, 514. — La principale phrase de cette version fut publiée dans le Cri de Paris du 5 décembre 1897.
  4. 27 novembre 1897 (Cass., I, 393, Paléologue.)