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LE SYNDICAT

L’entrevue fut longue. Tornielli, avec sa courtoisie et sa fermeté habituelles, dit tout ce qu’il avait sur le cœur : son attaché n’a jamais entretenu de rapports avec Dreyfus ; les diverses lettres où Dreyfus « est désigné soit par son nom, soit par une initiale, soit par un appellatif quelconque n’émanent pas de Panizzardi ; dès lors, cet officier a raison de demander ou que l’on cesse d’en parler, et surtout d’en faire usage, ou bien qu’on l’entende ; ces pièces, il l’affirme sur l’honneur, sont l’œuvre d’un faussaire ». Aussi bien, « cette déclaration formelle, cette dénégation la plus absolue », Panizzardi les a consignées dans une note écrite, signée, que Tornielli remet à Hanotaux, et il en déposera, sous serment, quand et comme on voudra. L’attaché militaire rappelle à ce propos que son témoignage a été admis, réclamé, dans une autre affaire d’espionnage, en 1893, par le ministère des Affaires étrangères lui-même.

Hanotaux ignorait ce précédent. Dès le lendemain, Tornielli lui adressa une lettre explicite[1], où, renouvelant ses protestations, il rappelait les circonstances de cette affaire[2]. Hanotaux expliqua alors qu’il n’était pas

  1. Lettre de Tornielli à Hanotaux, du 28 nov. 1898. (Cass., I, 398), versée au dossier par Paléologue, d’ordre de Delcassé, certifiée conforme par Raindre, directeur des Affaires politiques. — C’est de cette lettre que Méline n’a pas hésité à dire, le 13 décembre 1900, à la Chambre : « On n’y établissait nullement le faux Henry. » Tornielli s’y exprimait en ces termes : « Le colonel Panizzardi demande qu’on l’entende sur la sincérité de ces pièces, qu’il déclare sur l’honneur ne pouvoir être que l’œuvre d’un faussaire. »
  2. Un sieur E. A. Chapus, inculpé de tentative d’escroquerie à Marseille, avait réclamé la déposition de Panizzardi. Develle, alors ministre des Affaires étrangères, transmit cette demande, par une note du 7 novembre 1893, à l’ambassadeur d’Italie (Ressman). Le 9, Ressman répondit que Panizzardi donnerait, par écrit, le témoignage qui lui était demandé. Le 6 décembre. Casimir-Perier, qui avait remplacé Develle au quai