Billot, surtout Boisdeffre, eussent voulu que les juges d’Esterhazy se contentassent de la condamnation morale qu’ils avaient obtenue contre Zola. La presse « patriote » les y engageait[1]. On leur promettait, en échange, que le conseil de l’ordre de la Légion d’honneur serait invité à rayer leur insulteur.
Mais ces soldats étaient lancés, et d’ailleurs convaincus qu’ils n’avaient point forfait comme juges. Une basse politique pouvait conseiller de dédaigner l’outrage impuni ; l’honneur exigeait de le relever. Pourtant, ils délibérèrent pendant huit heures d’horloge, tiraillés entre la discipline et l’honneur, pour aboutir, sur le conseil de Pellieux, à une transaction. Ils décidèrent (par 5 voix contre 2) de porter plainte, non pas qu’ils se sentissent plus atteints « que leurs camarades et leurs chefs par les diffamations de Zola », mais dans l’intérêt supérieur de la justice militaire elle-même ; en conséquence ils réduisaient la plainte à trois lignes : « Un conseil de guerre vient par ordre d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice ». Ils écartaient ainsi la phrase redoutable, qui dominait toute l’affaire, sur la communication des pièces secrètes[2].
Nul aveu plus criant que l’illégalité avait été commise. La Cour de cassation avait décidé que les témoins, débâillonnés, la pourraient prouver. Pour éviter la réponse, on supprimait la question.
Méline et Billot furent, cette fois, bien conseillés, non seulement par Ployer et par Tézenas, mais par le pre-