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LES IDÉES CONTRE-RÉVOLUTIONNAIRES


poste, ils s’écriaient : « On se demande véritablement, en présence d’actes aussi odieux, si on est dans un pays civilisé[1] ! » Ils avaient couvert Esterhazy, célébré les étouffeurs de justice, et Bourgeois s’en faisait gloire[2] ; pour quelques conservateurs qui étaient entrés dans la République, comme Jaurès lui-même leur en avait donné le conseil[3], Catilina était aux portes. Ce fut le dernier mot de Brisson avant de lever la séance finale ; il souhaita que « le pays sût, de sa main souveraine, écarter les perfides[4] », — ni Boisdeffre ni Billot, quelques ralliés qui n’avaient pas été plus échauffés contre le Droit que Cavaignac et Goblet.

Qu’ils fussent « perfides », cela a été mis hors de doute. Ils ne se souciaient plus de s’épuiser à faire une monarchie impossible ; il leur suffisait de faire une République catholique. Ils y eussent été bien mieux et, avec eux, les prêtres et les moines. Un dominicain, d’esprit très pénétrant, mais imprudent, le dit très haut : « La politique du cabinet sera, si elle triomphe, infiniment plus avantageuse à l’Église que ne le serait un retour à l’ancien Régime[5]. » D’autre part, cette politique de Méline, dans ce qu’elle eut de pire, les radicaux l’avaient trouvée et la trouvaient encore trop modérée. En fait, les principes qui sont la République

  1. Discours de Dron.
  2. « Bourgeois : Mon cher collègue, monsieur de Mahy, vous savez fort bien que je partage votre sentiment sur l’affaire dont vous parlez et que je n’ai jamais hésité à l’exprimer. — De Mahy : Je vous rends hommage à cet égard… — Bourgeois : Il s’agit de quelque chose de bien plus haut. » (Même séance.)
  3. « Je fais appel aux conservateurs de bon sens. Veulent-ils au lieu d’entrer dans la République qui leur est ouverte… » (Profession de foi aux électeurs du Tarn, septembre 1889.)
  4. Séance du 7 avril 1898.
  5. Le P. Maumus, Les catholiques et les libertés politiques.