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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


des furieux journaux qui menaient l’opinion. Et ce n’était pas seulement chaque fois que revenait la question du juif de l’île du Diable. Un des anciens lieutenants de Boulanger ayant fait revivre, pour une séance, la vieille affaire du Panama, tous les républicains suivirent, saisirent l’occasion de se proclamer intègres et purs avant de paraître devant le suffrage universel ; ils rendirent, à l’unanimité, un vote solennel de blâme contre l’ancien procureur général Quesnay de Beaurepaire et contre le président du Sénat, Loubet[1]. Entre temps, par une singulière anomalie, ces mêmes radicaux, qui tenaient tant à ne pas se brouiller avec Drumont, reprochèrent à Méline ses complaisances pour la droite[2] et pour l’Église, mais sans aborder la vraie question et, dès lors, avec une pauvreté extrême d’arguments. La preuve que « les manœuvres de la réaction étaient servies par la faiblesse coupable et la complicité du Gouvernement », ils ne la trouvaient pas dans la longue série d’iniquités qui avaient été commises contre Dreyfus et ses défenseurs, mais dans le déplacement d’un préfet, d’un juge de paix et d’un économe d’hospice. Les tortures infligées à Dreyfus ne les avaient pas émus, mais pour un instituteur changé de

  1. 30 mars 1898. — Le débat fut soulevé par Chiché, député de Bordeaux. Les conclusions de la commission d’enquête furent votées à l’unanimité de 515 votants, l’affichage d’un discours de Viviani par 311 voix contre 174. Le vote rendu, Milliard, garde des Sceaux, exposa l’opinion de trois hauts magistrats à qui il avait soumis l’examen du rôle de Quesnay de Beaurepaire et qui avaient trouvé des plus excusables l’erreur juridique qu’on lui reprochait. L’ancien procureur général fut alors traduit, à sa demande, devant la Cour de cassation, qui rendit le 27 avril un arrêt en sa faveur.
  2. 12 mars 1898, interpellation sur la politique du Gouvernement, discours de Dron, député du Nord. — Méline soutint que la Droite lui avait souvent donné ses voix, mais sans rien demander en échange.