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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


sauf que leur organisation était calquée sur celle des « provinces » : des agents hiérarchisés sur tous les points du territoire, « afin de constituer une administration, une mairie et une justice de paix à côté de la mairie et de la justice de paix ordinaires », et jusqu’à une police secrète qui possédait des milliers de dossiers, de fiches de renseignements, sur les hommes et les sociétés attenants à chaque collège électoral[1].

Sixte-Quint n’avait point caché, jadis, son dégoût de la Ligue ; la sale brutalité des Assomptionnistes répugna, sans doute, à Léon XIII ; mais, politique aussi fin qu’il était lettré délicat, italien de grande race qui ne dédaigne aucun moyen d’action, il les laissa faire, quitte à les désavouer après la défaite et à ne pas les avouer pendant la bataille. Eux se raccrochaient à sa robe blanche, bien qu’il eût refusé son estampille à leur congrégation[2]. La direction générale qu’il avait donnée à tant de congrès, bénis par lui : accepter la Constitution, entrer dans la République pour en modifier peu à peu les lois, c’était leur programme[3] ; ils se flattaient d’être, par excellence « les instruments dociles de la Providence et les enfants obéissants du Saint-Siège[4] ».

Un incident, qui fit grand bruit, mit en lumière la politique à double face du Vatican. Deux missi dominici couraient, depuis un an, les départements et y passaient en revue les comités et les confréries, avant la grande lutte électorale. C’étaient dom Sébastien Wiart, général des Chartreux, et le propre supérieur

  1. Rapport Laya.
  2. Procès, 31 (Déclaration du P. Picard). La Croix, 147, etc.
  3. « Le Comité continuera à propager l’œuvre des bonnes élections, tant désirée par Léon XIII. » (Rapport Laya) — Procès, 73 et suiv.
  4. Rapport du P. Picard pour 1898 (Procès, 99).