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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


carde partout où les électeurs se seraient cabrés devant un programme monarchique. Une fois dans la place, on avisera. Il recommença ainsi, avec ce boulangisme anonyme, la même opération où son père s’était perdu à la suite de l’homme qui avait chassé le duc d’Aumale de l’armée.

Drumont et Rochefort se firent nationalistes ; Déroulède aussi. Il avait, de nouveau, renoncé aux lettres.

Les candidats républicains eurent la pudeur du mot, d’origine suspecte et devenu tout de suite réactionnaire. Mais, d’autant plus, ils firent leur la chose elle-même, déclamant contre les prétendus ennemis de l’armée et affirmant l’excellence d’un verdict qu’ils savaient, pour le moins, illégal. Ainsi ils enlèveront au nationalisme son venin et, d’abord, ils assureront leur élection.

Être élu, c’était là, surtout, le fond de leur conscience.

Ces démocrates auraient voulu, de propos délibéré, démoraliser la démocratie, qu’ils n’auraient pas agi autrement.

On allègue qu’après avoir commis déjà tant d’erreurs, les uns par manque de critique, les autres par défaut de courage, ils ne pouvaient pas tout à coup se révéler intrépides et perspicaces, perdre, à la dernière heure, le bénéfice de l’attitude qu’ils avaient prise. Ils avaient trompé le peuple ou avaient été trompés avec lui ; il était trop tard ou trop tôt pour le détromper[1]. Ces deux poussées, l’une cléricale, l’autre césarienne, parallèles et si rapprochées qu’elles se confondaient, étaient alors trop fortes pour qu’on pût leur laisser le monopole du patriotisme adjectival. Républicains et

  1. À la veille des élections, 26 conseils généraux sur 87 émirent des vœux contre la Revision, les insulteurs de l’armée et de la justice militaire, etc. (fin avril 1898).