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LA CHUTE DE MÉLINE


avait été reconstituée de mémoire par Du Paty, mais sans nulle mention, même pour la contredire, de la version authentique[1].

Le répertoire du dossier fut recopié pour Billot par un jeune officier qui admirait beaucoup Henry, qu’Henry avait pris en amitié et qui s’appelait Cuignet[2].

III

Billot, derrière un tel rempart et un rapport d’ensemble de son gendre Wattine[3], en collaboration avec Gonse, se sentit très rassuré. Rochefort, Drumont, furent avisés qu’on avait maintenant des preuves « qui pouvaient se peser par 100 kilos[4] ». Quand les amis de Dreyfus reviendront à l’assaut, on « déballera » tout.

Entre temps, quelques spadassins de lettres furent enrôlés pour les frapper par derrière, les punir d’avoir voulu un peu de vérité et de justice.

Le père de Zola, lieutenant, en 1832, à la légion étrangère[5], avait donné sa démission, sous le coup

  1. N° 45 du dossier secret.
  2. Cass., I, 338, Cuignet.
  3. Le rapport de Wattines est daté du 28 mai 1898 ; il n’est signé que de Gonse. Au-dessous de la signature de Gonse : « Vu et approuvé, Boisdeffre », Wattines énumère les pièces les plus importantes du dossier secret, ne discute aucune des dates qui leur sont attribuées. Il conclut ainsi son examen : « Tels sont les documents que l’on ne connaît pas, dont beaucoup sont même ignorés de Picquart et que l’on prétend des faux. À quel degré d’égarement peut conduire la passion pour que l’on en vienne, pour sauver à tout prix un coupable, à soutenir que des officiers français ont commis des faux ou se servent de pièces falsifiées ? Les documents ci-joints et les douze cartons du service répondent. On ne fabrique pas 1500 pièces. » Sur le plus fameux des faux d’Henry : « Cette pièce se passe de commentaire. »
  4. Intransigeant du 12 avril 1898.
  5. François Zola, « dont le père et le grand-père avaient servi la République de Venise comme capitaines », avait débuté comme lieutenant dans les régiments italiens du prince Eugène. Démissionnaire en 1820, il se fit ingénieur et publia, à peine âgé de vingt-trois ans, un Traité sur le nivellement topographique qui lui valut le titre de membre de l’Académie de Padoue. Il fut employé ensuite à d’importants travaux en Autriche. Il obtint, en 1831, d’être réintégré comme lieutenant dans la légion étrangère, à Alger. (Dossier François Zola, aux archives de la Guerre.)