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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


seconde lettre, sans date, où le colonel de la légion étrangère critiquait vivement l’abandon des poursuites contre Zola, était censée provenir des archives de Constantine où l’original en a été vainement recherché[1]. Henry porta ensuite ces deux pièces à son ami Judet[2] qui était particulièrement qualifié pour les présenter au public avec une vertueuse et patriotique indignation. En effet, il ne s’était pas engagé pendant la guerre, comme l’avaient fait tant de ses camarades, s’était fait réformer en 1871, avait obtenu, en 1875, d’être nommé, en violation de la loi, sous-lieutenant de réserve, et, après avoir démissionné à l’époque où les relations se tendaient avec l’Allemagne, n’avait repris son grade, en 1890, que par une autre faveur exceptionnelle et illégale[3]. Judet se chargea de faire éclater le scandale dans le Petit Journal, le matin même où Zola reparaîtrait, à Versailles, devant les assises.

    fait cesser que les deux dernières, en envoyant Fischer à la Maison Carrée ; la femme alla habiter Alger. » — Cavaignac, dans sa lettre au garde des Sceaux, osa dire : « La comparaison du texte, imprimé dans le Petit Journal avec celui du rapport écrit de la main du colonel Combe, ne fait ressortir que des différences peu nombreuses qui ne dénaturent pas le texte original. »

  1. Voir Appendice III.
  2. Judet dit d’abord que les lettres lui furent envoyées par un correspondant anonyme. Au procès qui lui fut intenté par Zola, il changea de version : « Je suis lié par le secret professionnel. Ce que je puis affirmer, c’est que les lettres du colonel Combe existent ; j’en ai vu des copies. » (Trib. correct., 3 août 1898.) Il dit ensuite (Instr. Flory, 17 août), que « ses renseignements lui avaient été fournis par un témoin digne de foi ». Esterhazy, dans deux lettres, des 25 et 30 décembre 1899, que j’ai sous les yeux, dit que ce fut lui qui, le premier, avisa Judet.
  3. Né le 11 janvier 1851, réformé pour myopie par le conseil de revision de Dijon, où son père commandait le bureau de recrutement, sous-lieutenant d’artillerie de réserve le 15 octobre 1876, démissionnaire le 31 octobre 1886, réintégré le 21 mai 1890.